REESE WYNANS & Friends: Sweet Release (2019)

Peu de gens connaissent le nom de Reese Wynans. Pourtant depuis cinquante ans ses claviers ont marqué l’histoire du blues-rock, au sein de Double Trouble, le groupe de Steve Ray Vaughan, bien sûr, mais également, en jouant avec des pointures comme Duane Allman, Dickie Betts, Boz Scaggs, Carole King, Larry Carlton, Delbert McClinton, Los Lonely Boys. Joe Ely, Doug Sahm, Brooks & Dunn, Trisha Yearwood, Martina McBride, Hank Williams Jr., Buddy Guy, Willie Nelson. Depuis 2015, il a rejoint le groupe de Joe Bonamassa qui, pour la première fois, officie comme producteur. Vu le carnet d’adresses du clavier, un paquet de monde a répondu présent pour son premier album solo, composé intégralement de reprises. Et dès le début, on prend une belle grosse claque avec « Crossfire » de Stevie Ray, où on retrouve Tommy Shannon et Chris Layton (la rythmique de Double Trouble), Sam Moore (de Sam & Dave) au chant, plus deux guitaristes pas vraiment manchots, Kenny Wayne Shepherd et Jack Pearson, et les vents de The Texacali Horns. Trois autres morceaux du génial Texan figurent sur l’album, « Say What ! », « Hard To Be » et « Riviera Paradise », ce dernier avec Bonamassa et Kenny Wayne Shepherd qui se partagent les solos, et Jack Pearson derrière. Rappelons que Monsieur Pearson est un immense guitariste, ancien membre de l’Allman Brothers Band. A noter aussi que Jimmy Hall et Bonnie Bramlett se partagent le chant principal sur « Hard To Be ». Rien que les noms donnent une bonne idée du niveau de la musique. L’intérêt du projet est aussi d’approcher plusieurs styles musicaux ainsi « Shape I'm In » écrit par la famille Bramhall (et une des grandes chansons de The Band) est excellent dans cette version. « That Driving Beat » merveilleusement chanté par Mike Farris et Paulie Cerra sonne très funky, très r’n’b des sixties. « Sweet Release » de Boz Scaggs, que Duane Allman avait enregistré quand il était musicien de studio, résonne comme un émouvant hommage avec successivement au chant principal Paulie Cerra, Mike Farris, Keb ’Mo’, Jimmy Hall, Bonnie Bramlett, Vince Gill et Warren Haynes. Et l’enchantement continue avec « Take The Time » écrit par un autre guitariste de la galaxie de l’ABB, Lee Dudek. Warren Haynes est au chant et se partage les parties de guitare avec Bonamassa, deux des meilleurs solistes en activité. Force est d’admettre que Bonamassa est meilleur quand il est confronté à un autre « sideman » (et là c’est Warren Haynes) que dans ses performances solo. Il n’est pas trop tard pour insister sur le superbe jeu de claviers de Reese Wynans, à l’aise dans tous les genres de musique. Écoutez donc sa partie dans « So Much Trouble » de Tampa Red prolongé par un superbe solo de Bonamassa ou mieux encore son interprétation en solo du « Blackbird » des Beatles qui clôture l’album. Cet album est un vrai régal, il met enfin en lumière l’immense talent de Reese qui depuis ses débuts a toujours été dans l’ombre de musiciens plus connus. Ici ce sont eux qui se sont mis, presque modestement, à son service. Et quand, dans son groupe d’accompagnement, on peut compter sur Tommy Shannon, Chris Layton et Jack Pearson, on est certain d’assurer ses arrières et de permettre aux autres invités d’exprimer leur immense talent. Les treize titres sont des merveilles et l’ensemble a de fortes chances de figurer tout en haut des grands albums de l’année 2019 toutes catégories confondues.

Michel Bertelle

Alors là, attention ! Ce disque, c’est du lourd ! Du sérieux ! On ne parle pas de jeunots inexpérimentés et sortis d’on ne sait où qui se contentent de balancer trois accords en croyant qu’ils jouent du blues ou d’énergumènes bizarres qui pourrissent la musique bleue avec des sonorités modernes. Là, il s’agit d’un mec qui connaît son sujet et qui a joué avec les plus grands. Un morceau de légende à lui tout seul. Un musicien doué qui a connu la grande époque et qui a fréquenté dans sa jeunesse l’embryon de l’Allman Brothers Band. Un type aux claviers magiques qui s’est illustré au sein du Double Trouble de l’immense Stevie Ray Vaughan. Un artiste qui a participé à un nombre impressionnant d’enregistrements en studio et de shows incendiaires avec les plus grands noms du blues. On ne s’étonnera donc pas de la quantité d’invités de marque qui viennent lui prêter main forte pour son premier disque en solo. Respect oblige, le père Reese propose quelques excellentes reprises du regretté Stevie Ray avec ses vieux compères Chris Layton et Tommy Shannon, accompagnés par Kenny Wayne Shepherd à la guitare (« Crossfire », « Say what »). La même équipe balance un bon rock à la Chuck Berry qui fait taper du pied (« Shape I’m in »). On peut se régaler de la six-cordes de Doyle Bramhall II sur « You’re killing my love » (un rhythm'n'blues au tempo médium). La splendide ballade soul « Sweet release » bénéficie de la participation de Vince Gill, Warren Haynes, Jimmy Hall (le chanteur de Wet Willie), Bonnie Bramlett et Joe Bonamassa. Un grand moment ! Stevie Ray est encore à l’honneur sur « Hard to be » (avec Jimmy Hall et Joe Bonamassa) et sur le superbe instrumental « Riviera paradise ». Reese joue un blues à l’ancienne avec seulement son piano et la guitare slide de Keb’ Mo’ (« I’ve got a right to be blue »). Trois autres titres se défendent également très bien : « So much trouble » (un Chicago blues lent avec Joe Bonamassa), « Soul island » (un instrumental cool à la Sea Level) et « Blackbird » (une ballade instrumentale jazzy et nostalgique, interprétée au piano). Et quand Reese Wynans reprend le « Southern blues-rock funky » « Take the time » de Les Dudek avec le concours de Warren Haynes, la boucle est bouclée. Compte tenu du très haut niveau de cette production impeccable, on peut raisonnablement penser que « Sweet release » va faire partie des albums de l’année. Et même plus ! The house is rockin’ !

Olivier Aubry